il fait gris
dieu vient de naître
il fait gris et c'est beau
le cahier blanc
Aurélien Delsaux
il fait gris
dieu vient de naître
il fait gris et c'est beau
leur dire qu'il n'y a pas
de théâtre sans joie
pas plus que de pain
sans eau ni farine
leur dire qu'il n'y a pas
d'acteur sans homme
de lumière sans regard
ni de regard sans lumière
leur dire qu'il n'y a pas
de scène sans le monde
qui tourne dehors et son
murmure comme un ruisseau
leur dire qu'il n'y a pas
au théâtre d'homme sans
parole de parole dépourvue
de sang et d'ombre
leur dire qu'il n'y a pas
de masque sans vérité
de vérité sans blessure
et de blessure sans grâce
il y a longtemps
longtemps au fond de toi
il se demandait (je)
qu'est-ce que je fais là
pourquoi m'a-t-il été donné d'être
à moi à moi pas à d'autres
il y a longtemps longtemps
longtemps au fond de lui
ce mot de moi lui étouffait la bouche
2
ce qu'il admirait le plus dans le ciel étoilé
c'est le gouffre qui sépare les étoiles
et non l'eau du fond des puits
mais l'écho où se perdait sa voix
maintenant il pleut
il se souvient des combattants
qui ont cessé le combat
il se souvient des vaincus
feuilles mortes je vous salue
vous en êtes les garants
hommes gelés écoutez-moi
l'arbre fut vert il y eut un printemps
3
il sait (je) ce que ses larmes
à la pluie doivent et son sang
au feu et ses bras aux branches
maintenant que le vent a cessé
maintenant que les platanes
aux formes d'hommes inverses
se taisent et qu'il s'entend respirer
il y a longtemps longtemps longtemps
longtemps au fond de moi
notre lit est ouvert et toute la journée
le reste pour pouvoir fuir vers l'étoile pourpre
comme les barques libres sur les fleuves larges
que nous traverserons que nous traverserons
toute la nuit des cascades de rêves pleuvent
sans bruit l'Iliade est là Hector est mort tu pleures
tu traduis des poèmes je bois tes cheveux
des bouquets de livres couronnant nos chevets
sous l'oreiller dorment des pages non écrites
le vent l'amour la cloche les chiens nous réveillent
nos enfants très beaux sont notre paix notre joie
ô la nuit est longue que c'est bon que c'est bon
l'Amour m'a tué dit
le Serviteur l'Amour
m'a défait comme la
pluie sur le buisson blanc
sans sa neige il n'est plus
rien qu'un buisson d'épines
dans les buissons d'épines
sous la pluie qui ne cesse
la pluie qu'il ne sait dire