l'angoisse, mai 2005
le cahier blanc
Aurélien Delsaux
l'angoisse, mai 2005
d’abord c’était l’exil :
« petit homme va-t’en
pleurer dans un autre monde »
il marcha longtemps s’en fut là-bas loin
et nous arriva recru de fatigue
- la chasse aux fantômes a été bien longue
car il y avait eu tous ces interminables
fantômes qui glissaient le long des rues
insaisissables linges à formes à figures humaines
et qui ne recouvrent rien mais portent seulement un peu de la poussière
du temps un peu de poudre dont est faite la terre et rien de ce poids
du ciel sur nos épaules frêles
il était fatigué donc. chez nous il trouva
l’eau et le pain et l’amitié lourde
périssable comme une pâte entre nos mains
puis il s’en alla au cœur plein de la fête
qui célébrait sa présence réelle, entière.
aujourd’hui encore on se souvient de son chant.
nous
comprendrons
quand nous serons
plus petits
tous avaient attendu la première neige.
elle devait tomber dans la nuit.
on allait se réveiller ouvrir les volets voir la neige
le paysage blanc la vie pure et le silence.
ç’avait été si long de l’attendre – cette
douceur du temps était devenue pesante.
ç’avait été si lent l’hiver sans neige
si triste le monde gris et la saison absente.
et puis le froid vint ; elle allait venir
la nuit ! cette nuit ! la blanche neige
qu’on n’entend pas tomber et qu’on admire
la divine surprise le songe d’un monde réinventé !...
on en vit même, de nuit, sortir le nez
et lever les yeux pour la voir tomber, pleuvoir, neiger
- mais pas de neige. la nuit noire. on attendait.
au matin la pluie noyait depuis bien avant l’aube
notre rêve enfantin.
la multitude, mai 2006-février 2007