le pépé.
après sa demeure, il n’y avait plus que bois, roche
et neige – la route montait, étroite et droite, jusqu’au pied de la vraie
montagne.
dans son jardin, un ruisseau, où tourne toujours un petit moulin
en dégringolant le pré filait au torrent
qui rugissait en contrebas
c'est là qu'avait vécu le vieux. sa femme était morte, voilà
dix ans. déjà. de ce temps, ne lui restaient plus que deux chats
– l’un gris, tigré, sauvage, l’autre jaune, muet
qu’il appelait Missou
et qui, le soir, venait, pour reposer sur ses genoux
le vieux pépé, bien qu’encore un peu drôle et encor colérique
se fatiguait de vivre. être l’essoufflait. il n’avait jamais
cru en rien, ni personne – en rien. son fils était mort, ses filles étaient
loin.
il était tout seul avec ses chats
– et la montagne immense, immobile
il s’était fait de plus en plus rare, en effet, qu’on vînt le voir :
il racontait encore assez bien les histoires du temps ancien, mais
de moins en moins, et râlait souvent, s’énervait vite, gueulait trop.
tout ralentissait. le présent ne passait pas vite. le temps lui était grand, profond,
long
et lent – et l’ennui gigantesque dans cette vie petite
un soir, le chat sauvage ne revint pas – perdu dans les sapins
ou emporté par l’aigle. peu de jours après, Missou est mort
l’antique incroyant, de son pauvre reste de force, creusa un trou
pour mettre au sein de la terre chaude
l’or de cette bête douce
puis, sur la petite tombe animale, il planta ce simple écriteau – lui qui n'avait jamais
cru:
"pour l’éternitée..." février avait alors,
jour des cendres
couvert de neige la montagne. la tendresse est un grand mystère. le
vieillard
dedans chez lui rentra, s’allongea doucement, ne mangea plus. tard
venue de la bonté profonde, une caresse vint, qui l’emporta