la misère / l’impatience
pour qu’en vérité tout bascule
pour que la pesanteur nous sauve
pour que l’ordre oublie l’apparence
pour que l’équilibre enfin craque
du bon côté j’ai déposé
sur le plateau de ma balance
mieux qu’un poème une pivoine
le cahier blanc
Aurélien Delsaux
la misère / l’impatience
pour qu’en vérité tout bascule
pour que la pesanteur nous sauve
pour que l’ordre oublie l’apparence
pour que l’équilibre enfin craque
du bon côté j’ai déposé
sur le plateau de ma balance
mieux qu’un poème une pivoine
racontant l’histoire aux enfants
il faut trouver la phrase assez fine et légère
pour que soient doucement forés leurs cœurs nouveaux
moi j’ai beaucoup regardé l’eau
qui connaît toute forme qui sait la bonté
au lac tranquille un bon été que tout se baigne
tous mes mots me soient étrangers
En ce Vendredi saint.
très cher Crucifié Toi mon ami ô mon Dieu
aide-moi je viens de prier pour les victimes
pour nos héros pour leurs familles leurs amis
aide-moi que j’écrive une prière pour
celui qui a tué
comme une vase la haine m’absorbe haine
qu’il a mise en nous la peur qu'il a mise en nous
cette Méduse m’abrutit la vie normale
a été annulée
que je ne crache pas sur son cadavre d’homme
que je ne lui dénie pas son droit titre d’homme
que je ne lui refuse pas la tombe ni
les larmes de sa mère
très cher Crucifié Toi mon ami ô mon Dieu
par sainte Antigone avant ton martyr martyre
ouvre mon cœur à ta folie miséricorde
grains de sable que je puisse jeter des mots
pour couvrir ce cadavre
(il faut bien que quelqu’un quelque Français le fasse
il faut bien qu’en tout cas un cœur chrétien le fasse
un cœur pécheur et s’il n’en reste qu’un je veux
bien souffrir cette honte)
PRIONS Toi qui peux tout quand nous ne pouvons plus
Toi qui dans les forces invisibles peux tout
quand choses visibles dans nos âmes étroites
nous ne pouvons plus rien
très cher Crucifié toi mon ami ô mon Dieu
Toi pardonne pardonne à l'homme qui a tué
fais-en de la lumière fais-en de tes saints
délivre-le du mal pour que nous tous un jour
en soyons délivrés
si des miens comme Ulysse un très long voyage
me sépare longtemps longtemps si comme Ulysse
un jour béni les dieux permettent le retour
qu’ils fassent qu’aussi je puisse être reconnu
de ma femme
aux racines vivantes du lit d’olivier
de mon père
aux noms de tous les arbres qu’il m’avait donnés
comment faut-il que je vive poème dis
de tout ce gris qui m’écœure faut-il chercher
à sortir fuir au sud fuir à l’ouest fuir à l’est
faut-il percer la bedaine du ciel prier
comme un dieu le soleil de nous bénir enfin
ou bien dois-je m’habituer chérir ma peine
admirer la grisaille aimer ces heures ternes
apprendre de la nue sale et triste relire
l’opaque nappe le lourd couvercle l’antique
sac de cendres sous quoi pour mourir nous devons
mourir mourir mourir encor sauf si soudain
le ciel se déchire de pluie de bleu de neige
ou vol d’ange égaré du rouge d’un amour
qui soudain justifie notre patience bon
chien qui à tout lancer rapporta le poème
comment faut-il que je vive poème dis