poètes dans la ville
serviteurs inutiles
coquelicots dans les blés
le cahier blanc
Aurélien Delsaux
poètes dans la ville
serviteurs inutiles
coquelicots dans les blés
voilà combien de semaines
que l’orage nous tournait
autour éclatant par salves
le soir on vit une pluie
d’éclairs battre la rue vide et noire
quand rarement le soleil
se montrait toujours l’orage
était là qui menaçait
dans ce printemps suspendu
la promenade était impossible
les nuages s’en allèrent
nous rendant les meilleurs jours
où l’on cueille les fruits rouges
ces jours lumineux et longs
où l’année entière est justifiée
oui sauf que l’orage est là
toujours fauve noir en cage
il nous a élus il tourne
en rond dans nos cœurs qui sont
pleins de grondements et de lueurs
bons souvenirs pâte de coing forsythias roses
jardin de mes parents nymphéas chemins noirs
amis et jeux au fond de moi je vous retrouve
comme un ticket de la saison passée au fond
de l’épais manteau qu’on remet quand le frimas
s’impose quand le premier gel nous mord la peau
je serre secrètement ce ticket froissé
valable à quel guichet maintenant je ne sais
je peux marcher dehors je ne crains plus ma nuit
je me tais parce que le spectacle commence
quand la joie t’assaille et t’exile hors la parole
et que tu ne sais plus ce que tu fais sur terre
connais-tu
quand ton drap sec emprisonnant le seringa
un rêve d’automne te prend où tu es seul
connais-tu
quand l’œuvre veut tes mains et vient comme ton chat
se frotter tandis que tu ne veux que le vent
connais-tu
quand le nœud de ta vie pauvre parure que
tu accrochas aux lobes inconnus te lâche
connais-tu
quand la salamandre écrasée le nid détruit
mettent le goût de la destruction dans ta bouche
connais-tu
quand tout te justifie et tout te dépossède
quand la ville brûle et que tu ne trembles plus
connais-tu
à ceux qui voudraient nous empêcher
de parler en premier du printemps
prétextant la lutte et tous les cris
qu’il faut ici pousser pour survivre
à ceux qui prendraient nos poèmes
pour mauvais opium et pavot blet
nous dédions déjà le dernier chant
du dernier roitelet