dans le parc les enfants
jouaient sous le ciel bleu
l'un escalade un mur
l'autre tire une corde
le troisième un bâton
à la main frappe l'air
ici le sable et là
coule un grand fleuve calme
- quand finira la guerre?
le cahier blanc
Aurélien Delsaux
dans le parc les enfants
jouaient sous le ciel bleu
l'un escalade un mur
l'autre tire une corde
le troisième un bâton
à la main frappe l'air
ici le sable et là
coule un grand fleuve calme
- quand finira la guerre?
ou c'est comme la nuit qui de la terre
monte comme un parfum ou un poison
engourdit les êtres dans le grand rêve
engloutit toute chose dans ses poings
prends possession de tout se tait attend
fait fermenter les passions de la veille
et voir les larges pays impossibles
boire le petit lait de notre mort
ainsi la parole s'infuse en moi
jusqu'à devenir poème jusqu'à
ce que le jour retombe comme un coup
de hâche au cou chef tranché me laissant
l'enfant de la nuit dormant dans mes bras
c'est là tombé sur ton chemin et tu
ne peux passer outre c'est comme un roc
indestructible ineffritable et qu'il
te faut frapper de ta main la plus gauche
car on ne t'a pas donné de bâton
le bruit de ta main contre la pierre est
claquement sec de la langue au palais
comme si tu faisais parler la pierre
la pierre parle le chemin est libre
tu marches parlant une langue neuve
celle de la terre grasse sous toi
vers un pays qui porterait ton nom
tandis que de la pierre jaillit l'eau
quand et où tu ne sais ne peux savoir
comme viendra ta dernière parole
quand et où la parole poétique
tombe et jaillit en toi de toi d'un autre
que ce soit dans la rue dans un désert
ce soit dans ta chambre ou à l'étranger
c'est là et passer outre est impossible
il te faut t'arrêter il te faut dire
(et quand ta femme ou les armées du diable
ou la nuit ou tous les volcans les rois
ne voudraient pas et quoi et l'ouragan
te faudrait t'arrêter te faudrait dire)
quelque chose du murmure de Dieu
va savoir pourquoi, Charles
le gouffre dont tu parles
j'ai le même dans moi
le même abîme amer !
- mais pourquoi, Baudelaire
le mien est plein de joie ?