c'est un pas qui vient de loin
c'est un pas en toi depuis longtemps
qui ne décidera pas de tout
qui a depuis longtemps de tout décidé
c'est ce pas pensé chaque jour
que tu fais enfin
le cahier blanc
Aurélien Delsaux
c'est un pas qui vient de loin
c'est un pas en toi depuis longtemps
qui ne décidera pas de tout
qui a depuis longtemps de tout décidé
c'est ce pas pensé chaque jour
que tu fais enfin
faut être juste sous la bonne branche
pour voir
le ventre blanc de l'écureuil
LE PREMIER CHARBONNIER: Et pourtant, c'est nous, les piliers de la société. Si on ne vous livrait plus le charbon vous n'auriez plus de feu pour faire la cuisine, pour vous chauffer, pour faire tourner les usines; vous n'auriez plus de lumière dans les rues, dans les magasins, chez vous! Vous vous imaginez dans le noir et dans le froid?... Et voilà pourquoi on sue comme des damnés, à vous apporter ce foutu charbon... Qu'est-ce qu'on récolte en échange?
L'AVOCAT, à la fille d'Indra: Aide-les! - - - (Silence.) Que l'égalité parfaite ne soit pas possible, je le comprends, mais qu'il puisse y avoir de tels écarts??
il y a le Veilleur funambulant dans l'attente de la lumière du cinématographe flamme qui lui annoncera que Troie est prise que la guerre est gagnée que les démocrates aussi savent détruire que le roi va revenir
il y a un homme déguisé en lapin c'est le coryphée avec un choeur silencieux de petits lapins en plâtre c'est nous taiseux qu'on fouette pour qu'on se taise ridicules choses faussement mobiles
il y a Egisthe l'usurpateur le tyran le sadique l'homme sans amour l'homme à la culotte de cuir dont on voit le cul qui se remue qui déplace les choses qui fouette et qui tue
il y a Agamemmnon qui est un homme atteint de trisomie qui chante un son qui sort de sa bouche dans un micro qui est heureux de faire la star d'être la star et vraiment il l'est qui sourit de ce sourire sans mauvaise gloire de ce sourire énigmatique des trisomiques signe solennel de ces hommes-sphynx qui ne cessent de nous demander qui eux et nous
sommes
il y a Cassandre dans sa caisse de verre comme un foetus avorté dont on humilie publiquement la prophétie dont on n'empêche la naissance et qui parle quand même dedans sa cage qui bouge quand même dedans sa cage qu'on entend quand même
il y a la grosse Clytemnestre féminine dans sa chair débordante tressautante dans le rire devant le cadavre du roi défunt monstrueuse nature d'où nous venons
il y a tous les meurtres qu'on ne voit pas
le seul qu'on voit souffrant qu'on voit battu c'est le lapin le chef de choeur le peuple qui parle qui veut raconter qu'on veut faire taire et qui tient bon jusqu'au bout en disant à la souffleuse lui reprochant de ne pas dire le bon texte qu'elle aille se faire enculer
il tient bon pour redire l'histoire de la petite Iphigénie de la petite Alice de la petite innocente que le roi qu'il aimait tua
le bruit est insupportable le bruit est insupportable je me bouche les oreilles
et tout d'un coup il y a une messe neuve un rite premier
un monde en travaux avec de la poussière du plâtre tout est pâle blanc les corps sont nus c'est le matin sous le sfumato de l'assassinat qui se prépare de la mauvaise justice qui vient du sang qu'on sent déjà
où apparaissent Pylade et Oreste
il n'y a plus un bruit un silence total total
des gestes lents
le meurtre pudique derrière une tenture blanche du REGICIDE
le meurtre pudique derrière une tenture blanche de MOTHER
le surgissement d'un bouc sanglant suspendu dans l'air auquel on branche Oreste on croit
qu'on va assister à une transfusion sanguine mais
le souffle d'Oreste fait s'écarter les côtes de la bête et Electre dit
LE ROI AGAMEMNON EST VIVANT
et c'est la tragédie parfaite Quand la vie des morts nous empoisonne la bouche Quand nous prêtons notre souffle aux morts Quand nous donnons trop de vie aux morts Quand nous inhalons l'air empoisonné des morts Quand nous ne laissons pas simplement leur chair pourrir et disparaître Quand nous exposons en l'air leur cadavre de bête
la Pythie parle à travers un hublot à travers l'Autre monde où sont les Puissances qui veulent mettre fin au cycle des meurtres
Apollon apparaît qui n'a pas de main qui trône immobilement Hermès est à ses côtés
il y a Oreste enfermé dans un cadran de verre sans chiffre ni aiguilles avec des singes qui tentent de lui donner le remords de ne plus être singe d'évoluer de patauger de s'en être allé patauger dans l'évolution dans l'histoire dans la merde et le sang et les mots de la merde et du sang
dans l'invention de la mort
mais non pour justifier le meurtre mais pour promettre qu'un jour le meurtre peut finir et la peine
Athéna la forte a délivré Oreste! Athéna notre mère nous a délivré de n'être que les fils de nos mères
et le clown amical qui nous sert de Pylade cesse de faire les cents pas devant la vitre du zoo où il attendait
la libération de l'homme