le cahier blanc
Aurélien Delsaux
face à nous la grande montagne
deux pics une grande béance
deux fois y vîmes le soleil
avant son heure y disparaître
deux fois renaître avant la nuit
et deux fois dans l’adret sous nous
nos enfants s’amusent tirant
la grande ombre comme un grand drap
et par leurs petites mains tendres
la lumière réapparaît
dans cette triple fin du jour
l’antépénultième de l’an
entre nos bilans nos projets
dans ces courtes dernières heures
nous prenions leçon de leur jeu
ô cette tendresse plus forte
que la montagne et le soleil
"Mêlant à des bribes de Virgile les secs récits de voyage du banquier son père, Henri-Maximilien imaginait, par-delà des monts cuirassés de glace, des files de cavaliers descendant vers de grands pays fertiles et beaux comme un songe : des plaines rousses, des sources bouillonnantes où boivent des troupeaux blancs, des villes ciselées comme des coffrets, regorgeant d'or, d'épices et de cuir travaillé, riches comme des entrepôts, solennelles comme des églises ; des jardins pleins de statue, des salles pleines de manuscrits rares ; des femmes vêtues de soie accueillantes au grand capitaine ; toutes sortes de raffinements dans la mangeaille et la débauche, et, sur des tables d'argent massif, dans des fioles en verre de Venise, l'éclat moelleux du malvoisie."
Marguerite YOURCENAR, L'OEuvre au noir, Première partie : la Vie errante, chapitre 1 : le Grand chemin, 1968.
j'ai une triple révélation à faire aux amoureux de l'unanimité totale
à ceux qui sont toujours d'accord pour qu'on soit tous d'accord
à ceux qui aiment le consensus absolu
à ceux qui croient à la paix du monde :
Papa a couché avec Maman
le loup mange l'agneau
l'arbre le plus haut est celui qui a mangé le plus de morts