la nuit est sans étoile tu rentres du bois
pour que le feu ne meure et pour que tes enfants
et ta femme qui porte la vie n’aient pas froid
voilà un acte bon le reste est pour le vent
six bûches dans les bras tu te souviens à qui
enfant tu voulais ressembler: à Jivago?
– pour nourrir l’âtre combien d'arbres morts acquis?
tu seras Platonov – ton cœur croit ce ragot
il est vrai: ta veste bleue est râpée défaite
tu es un piètre professeur un comédien
du dimanche et salle des profs salle des fêtes
même mépris même fatigue tu sais bien
le temps n’est plus aux poètes – l’a-t-il été
jamais? partout le siècle est en fête tu pleures
dans la glace rêvant aux brûlures d’été
de joie rouge pleurant dans la foule pâleur
car tu gardes dans toi un secret bien gardé
on te lira dans dix siècles on te lira
parce que tu salues les faces non fardées
visages vrais du présent nu – on t’oubliera
non tes vers non tes pages non tes livres non
pas plus que le feu le vent pas plus que l’hiver
ni cette brise vivante et chaude et sans nom
d’où venue? sous le gel chanson de la rivière
tu reconnais le quatrième mouvement
de la Cinquième de Chosta – tu ne sais pas
pourquoi la symphonie et la levée du vent
vont caressant l'écorce – ralentis le pas:
pluie de lumière pluie de gloire sur les arbres
tu salues l’acacia qui veille sur ta porte
(hier: tu revois la lumière qui son tronc marbre
danse en ses branches nues salut aux âmes mortes)
bénédiction de la musique, vie sans fin
– tu laisseras dehors la nuit et la froidure
on t’attend la brassée pèse le feu a faim
ô flot de la lumière en moi – d'où venue? – dure!
que je n’oublie ton chant qui chante ma présence
d’une faille jailli jailli de ce point fixe
noyau de l'univers inconnu de la science
soleil de tout : vie amour beauté joie musique
tu croyais que des dieux fiers et mauvais t’avaient
condamné or tu gouvernes tu sais la loi
qui régit mort des rois et marche des forêts
ton rêve est sauf ta vie est vraie – le feu prendra